RCF61 Octobre 2022 Bonjour, mes chers amis. L’été indien nous offre encore des journées ensoleillées. Sachons les apprécier, tout en nous disant « Mais ce n’est pas normal, cette douceur mi-octobre ! » Je voudrais vous parler aujourd’hui d’un sujet qui n’est pas très drôle, mais qu’il faut bien aborder un jour : la fin de vie. En septembre dernier, le Comité Consultatif National d’Ethique, le CCNE, donnait son avis sur la fin de vie, un avis parfois dérangeant. L’avis du CCNE est un plaidoyer pour les Soins Palliatifs. Il exprime avec finesse et justesse ces soins essentiels à la médecine. Il dénonce les faiblesses de leur mise en œuvre en France, malgré les lois qui les promeuvent comme un droit pour chaque citoyen. Il appelle vigoureusement à un effort de l’Etat pour que se diffuse partout la « culture palliative » en notre pays. Grâce au CCNE, cet effort et son caractère impératif seront-ils enfin pris au sérieux par nos dirigeants ? Vouloir développer « en même temps » les soins palliatifs et l’aide active à mourir, c’est à la fois favoriser l’expression des désirs individuels d’une mort immédiate et promouvoir le soin par l’écoute et l’accompagnement de la vie, aussi fragile soit-elle. Dans leur écrasante majorité, les médecins des soins palliatifs dénoncent la contradiction entre le soulagement qu’ils savent offrir et la proposition de donner la mort, proposition que les patients seront obligés d’envisager. L’avis du CCNE jette un trouble sur la réflexion. IL utilise le même mot « fraternité » pour qualifier à la fois l’aide à mourir et l’accompagnement par les soins palliatifs. Mais comment peut-on qualifier de fraternel le geste qui donne la mort à son frère qui la demanderait ? Soit nous choisissons une société des désirs individuels qui s’imposent à tous, y compris au corps médical, soit nous souhaitons une société de la fraternité grâce à laquelle les personnes les plus vulnérables sont collectivement entourées de considération et de soins. Oui, ne devrions-nous pas plutôt prêter l’oreille attentive aux acteurs d’un accompagnement chrétien dans ces moments difficiles à vivre ? Chaque personne est unique, chaque mort est unique. Voici deux témoignages de membres de la pastorale de la santé à l’hôpital ou en EHPAD. Madame B. attend patiemment l’heure du déjeuner. Je m’installe en face d’elle, elle a l’air perdue dans ses pensées. Cela ne fait pas longtemps qu’elle est à l’EHPAD, elle n’avait pas trop envie d’y aller... Elle me demande « Si je meurs, là, maintenant, que va-t-il se passer ? » Je ne m’attendais pas à cette question, je lui demande d’expliciter sa question : »Que va-t-on faire de mon corps ? Où va-t-on le mettre ? Qui va s’en occuper ? » Je suis un peu mal à l’aise, mais avec l’ »aide de l’Esprit Saint, je me jette à l’eau. Je lui explique qu’on la ramènera dans sa chambre, que des soignants lui feront sa toilette et lui mettront les vêtements qu’elle aura peut-être choisis. Puis les résidents qui le désirent pourront lui rendre visite avant que son corps ne soit descendu à la chambre funéraire. » Après un silence, elle me dit : « Peut-on aller voir cette chambre funéraire ? » Nous prenons l’ascenseur, en silence. On entre dans la chambre funéraire, elle en fait le tour, on va voir la​ chambre froide... Madame B. souhaite remonter à l’étage, je la laisse dans la salle à manger, sans un mot. Je ne sais pas si j’ai bien fait... Je pars quelques jours en vacances... A mon retour, le médecin de service me dit que Madame B. ne va pas bien. Je passe devant sa chambre, elle me voit, me sourit, et, tout en me regardant, dit à l’infirmière « Il y a quelques jours, une personne m’a expliqué ce qui allait se passer pour moi avant mamise en bière, maintenant, je n’ai plus peur de mourir. » Elle est décédée, sereinement, le lendemain. Un autre témoignage. Madame R. est hospitalisée depuis plusieurs semaines, elle n’a pas demandé d’aumônier jusqu’à ce jour où, soudain, elle demande la visite d’une personne de l’aumônerie, plutôt un laïc, et peut-être un prêtre, plus tard, pour les derniers sacrements. Oui, elle est croyante, mais elle a oublié beaucoup de choses de la foi. Elle souhaite faire cette démarche, mais elle a peur face à cette célébration dont elle ignore tout. Je lui propose de choisir un texte pour la célébration, le 2 ème est celui de la tempête apaisée, et là, c’est immédiat, elle dit « Celui-là ! ». Le lendemain, elle nous redit sa peur « j’ai des nœuds partout », elle écoute avec attention le passage d’évangile, elle nous prend les mains et se met à pleurer. Après un long silence, elle se ressaisit et, reprenant le texte qu’on venait de lire, elle dit « Pourquoi avoir peur ?... Je n’ai plus peur. » La célébration se termine dans une grande paix. C’est l’heure du repas, mais elle dit « Pas besoin de plateau pour moi, je suis nourrie ». Je passe la voir le lendemain, elle est très fatiguée, elle me dit « Je suis heureuse de ce que j’ai vécu hier ». Elle est très paisible. Ses enfants sont alors très étonnés de trouver leur maman « dans une si grande paix ». Ils se posent beaucoup de questions sur le sacrement des malades. Ces témoignages montrent l’importance d’un accompagnement chaleureux, aimant et priant dans cette dernière étape de notre vie terrestre En effet, ça ne s’arrête pas là. Ce grand passage nous fait entrer dans la vie éternelle avec notre Père que nous avons si souvent prié. Ce grand passage, notre amie Yvette, du MCR d’Argentan vient de le franchir après une très longue vie au service de ses frères. Il y a quelques jours, c’est elle qui, comme tous les ans, avait préparé le verre de l’amitié à l’issue de notre journée de rentrée. La semaine dernière, elle a encore participé à une journée provinciale du MCR à Lisieux. Elle était toujours prête à prendre sa voiture « pour aller aux périphéries » comme nous le demande le Pape François. Le lendemain, elle préparait des obsèques dans son village, un malaise cardiaque l’a trerrassée... Elle ne pouvait vivre qu’en se mettant au service des autres. Heureusement, elle a pu « servir » jusqu au bout. Merci, Seigneur ! Nous te rendons grâce pour la vie d’Yvette et pour tout ce qu’elle a fait pour ta gloire. Au revoir, mes amis, nous nous retrouverons le 19 novembre, sur les ondes de RCF61, bien entendu !